Un peu de soleil. Du folk dans mon iPod.
Ma démarche est nonchalante. Autour de moi, la ville semble désertique…
On se croirait à « Big Tuna » ou quelque part dans les recoins d’une
Amérique profonde, pré-mondialisation, l’étalonnage des films de David
Lynch en moins.
Pas un seul gaillard à pipe du dimanche à l’horizon, pas de vieilles ménagères impatientes en attendant le bus, recouvertes d’un de ces trench-coats traditionnels. Jean
évasé, lunettes Aviator, je me laisse porter par des guitares, une
mélodie vocale et des percussions lentes, à la recherche d’une
esthétique particulière dans mon panorama - un exotisme, un style, un
ailleurs, une ambiance cachée, quelque chose de saisissant, d’inédit, de
remarquable.
« It’s a big, blue, spanish sky…»
Il y a des messages dans l’air… Le
printemps semble contenir les ingrédients d’un renouveau proche. J’ai
retrouvé une identité perdue. L’ange femelle avait pris son ange mâle
pour l’emmener au paradis avant de devenir un monstre par le coup d’un
monstre, tout en brûlant mes ailes.
Suivante.
Le ciel et les nuages rappellent ces
dessins coloriés à la maternelle. La maternelle me fait penser à la
récréation. La récréation aux potes de banlieue. Les potes de banlieue à
la famille. La famille à Lisbonne. Lisbonne aux jolies filles. Les
jolies filles à ma queue. Ma queue à l’amour, et l’amour, à la mort… Je
viens de faire le tour de ma vie.
« I Lay on my back and watch clouds roll by ».
Un panel d’émotions vastes a traversé le
temps et l’espace avant de virevolter autour de moi comme dans un
carrousel, sans flash-back ni odeur… « Like I do…Like I do… Like I do… »
Sous énergie, mon corps est connecté à
un mini réseau, bout de design aux tiroirs numériques constamment
suspendu autour de mon cou qui le balance.
Mon tempérament varie selon les leads,
leurs mélodies, selon les rythmes et les leurs frénésies, selon les
percussions, les synthés, les cordes, selon leur tonalité et leur
amplitude avant la venue d’un crescendo ou decrescendo final.
Mes sens sont dominés par le cercle tactile de mon baladeur digital…
A l’intérieur du bus, je suis en
apesanteur. J’avance au ralenti. La chaleur agréable de l’après-midi
laisse place à un confinement aussi tiède que moite. Ma chaise est comme
un nuage. Je tends mon genoux droit pour une décontraction
supplémentaire, obtenir l’ergonomie la plus complète. Je regarde la vie
défiler par la fenêtre. Le vent qui s’échappe de l’issue de secours
entrouverte est comme de la nourriture, une brise hypnotique, de
l’oxygène thérapeutique… Dans un état doux et flegmatique, je suis
insensible aux stress exprimé par la conduite du chauffeur.
En me dirigeant à l’extérieur, la
violence du système d’ouverture des portes à air comprimé me rappelle
que celui-ci a déjà produit plusieurs morts par étranglement.
Une inconnue fait tomber un des boutons
de sa veste. Une veste légère pour la saison, mais d’un brun mordoré,
couleur automnale. Je la rattrape en tentant d’être élégant. Je lui
tends son bouton.
Sourire. Petite vanne. Deuxième sourire.
Sourire. Petite vanne. Deuxième sourire.
Ces instants sont tellement bons
lorsqu’ils sont vierges de tout… Pas le temps du sourire numéro trois.
La demoiselle est pressée.
J’ouvre les yeux… Pourquoi suis-je ici ?
Je retire mes lunettes. Je suis assis au
bord d’un banc du centre-ville. J’ai dû passer chez le libraire. Dans
ma main, j’ai le nouveau numéro du magazine « Première », qui tente
l’énième formule éditoriale, ce qui me rappelle le degré de ravage
d’Internet sur la santé de la presse papier.
Je parcours ma petite barbe avec mon
pouce et mon index. Je suis certainement passé chez le buraliste aussi.
J’ai une clope au bec. Elle n’est pas encore allumée. Mes yeux sont
entrouverts… Le soleil éblouit. Blanc. Le son disparaît. Je n’entends
plus rien. Le soleil brille à nouveau. Blanc. Le son disparait. Blanc.
Encore… Je suis entouré d’enfants descendus d’un bus de sortie scolaire,
prêts à jouer avec tout ce qui favorisera leurs créativités espiègles.
L’horizon se penche à trente degrés. Les cheveux sont lumineux. Tout
s’accélère. Fluide. Il y a comme une ombre sur ma paupière. C’est très
doux. Tendre. Froid. Je ne sens plus rien. J’ai des vertiges. Je suis
certainement attendu quelque part. Il me suffit de trouver où. Chaud.
Fulgurant. Retentissant. Ça brûle.
Il y a du sang sur mes narines.
Il y a du sang sur mes narines.
Ce n’est rien… Il faut que ça coule.
Mon inconscient est en train de purger.
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Musique citée dans le texte : "Blue Spanish Sky", Chris Isaak
Photo : http://www.hdwallpapers.in/tag/autumn.html
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