Quand l'orgasme féminin devient triste et féerique à la fois


Alabama Monroe

  - Johan Heldenbergh - 2013 - 1h37min -    

 


Folie acoustique, jubilations, tragédies, déflagrations douces, suspens, interrogations métaphysiques..."Alabama Monroe" ressemble à du Terrence Malick en plus accessible malgré la chronologie non linéaire de l'histoire, tandis que l'on flirte parfois avec les états d'âme de "Mélancholia".

Malgré quelques clichés sur la forme (grains de lumières, étincelles, guitare autour d'un feu de bois, main à travers la fenêtre pendant que la voiture roule, etc.), le résultat est retentissant et remarquable d’application et de tenue, même dans la nudité.

Si vous voulez assister à un orgasme féminin féerique et triste en même temps, "Alabama Monroe" est fait pour vous. Veerle Baetens est stupéfiante et charismatique de bout en bout. 

C'est également un des rares films où des scènes de concert fonctionnent (ici du "bluegrass" - musique contenant du banjo, de la mandoline, des vocalises, etc.) avec une charge émotionnelle tout à la fois intense et réellement surprenante.

Sur le fond, malgré la narration éclatée, le résultat est rarement bordélique. On imagine facilement le réalisateur tenter un exercice mental sur un bureau, avec des fiches affiliées à chaque scène qu'il s’amuserait à mettre dans un désordre organisé, en cherchant la combinaison la plus efficace pour rester lisible tout en étant troublant et poignant.

A cet égard, le propos est bien abordé : chaque concept est rangé à sa place.
La spiritualité d'abord. Elle est vue telle qu'elle est, c'est-à-dire comme un sentiment, une conviction, parfois une intuition vis à vis de l'au-delà, ou une connexion sensuelle avec l'univers et la nature.

La religion ensuite, avec ses dogmes et ses mythes. Elle contient en elle une spiritualité potentielle mais encadrée. On peut être très spirituel sans adhérer à aucune des religions. Les deux notions ne sont pas nécessairement liées : la spiritualité peut se passer des religions et se nourrir de la science ou de la métaphysique au sens le plus large.

Cette distinction que le film sait faire, le couple ne sait pas le faire. C'est le problème majeur des deux principaux protagonistes qui parviennent mal à communiquer sur le sujet.

"Alabama Monroe" est donc une toile, qui se découvre avec des scènes sans lien dans le temps, mais qui s'enchevêtrent avec une grande habilité. Cette démarche est essentielle sur le plan de la notion d'auteur. Elle permet non seulement une virtuosité technique concernant le suspens et ses enjeux, mais aussi une certaine efficacité pour adoucir un drame que l'on croit imminent, relativiser un événement lorsqu'il est suivi par un autre où la tonalité change... De cet agencement nait une curiosité permanente chez le spectateur. Chaque nouvelle séquence devient potentiellement un nouvel élan vital, un nouveau regard, un élément de surprise (quoi? quand? comment?), sur la vie de ce couple au romantisme aussi épique et périlleux que créatif et désarmant. 
 
 
Champ lexical du film : 
  • Tatouages, enfant, jubilation, cancer, folk, country, romance, campagne, chevaux, étincelles
Scènes marquantes: 
  • Une fin qui prend le risque d'une réponse métaphysique
  • Veerle Beatens qui dévoile son nouveau tatouage à Johan Heldenbergh, contenant son nom, le tout pour lui démontrer son engagement sous les coups torrides d'une scène de sexe à l'intérieur d'une voiture 
  • Les grimaces de leur enfant qui s'amuse malgré la maladie, sur fond d'une musique "blugrass" irrésistiblement enjouée    

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