Le « LHC » : libérer l'infiniment petit


Depuis quelque années, la recherche en physique fondamentale subit une avancée astronomique, dans tous les sens du terme.
 D’abord grâce au satellite hypersensible WMAP - puis son cousin, le satellite PLANCK - qui est parvenu à prendre un cliché de l’univers lorsqu’il n’était qu’un bébé d’à peine 380 000 ans (cette période déterminante où les premiers photons, les particules de la lumière, ont été émis.)

Enfin et surtout grâce au plus gros collisionneur de particules jamais inventé, le « LHC », qui a déjà découvert le fameux et tant espéré boson de « Higgs », qui explique pourquoi et comment les objets ont une masse.

Comprendre d’où provient la matière noire et l’énergie sombre, unifier la physique classique avec la physique quantique, trouver et mesurer les gravitons, découvrir des dimensions supplémentaires de l’espace-temps… autant de défis que cet instrument gigantesque tente de relever en partageant toutes les données récoltées à travers des outils, des interfaces et logiciels libres…

Comprendre l’univers à travers des conditions extrêmes

 

Vue aérienne, et à l’échelle géographique, du collisionneur



Situé entre la frontière Franco-Suisse au Cern, le LHC peut être comparé à une sorte de gros tube souterrain et circulaire de 27 kilomètres, capable de faire tourner en sens inverse des particules comme des protons à une vitesse proche de celle de la lumière, avant de les faire rentrer en collision. Des énergies et températures inédites sont alors dégagées (les conditions extrêmes proches de celles du « Big Bang »), ouvrant l’accès à ce qui se cache et se manifeste dans l’infiniment petit. Le constat a de quoi donner le vertige : pendant un bref instant, l’endroit le plus chaud de tout le système solaire n’est alors plus le soleil, mais le collisionneur de particule (là où s’est produit la collision.) Aucune inquiétude à avoir cela dit, il est question ici d’une échelle des choses tellement petites que c’est difficile à imaginer pour l’esprit humain.

Représentation d’une collision de protons



De manière imagée, on peut dire que le principe du collisionneur revient à faire entrer deux motos en collision pour pouvoir mieux regarder et comprendre ce qu’il y a à l’intérieur des moteurs. A ce détail près cependant, que c’est l’énergie extrême que produit le LHC qui fait naître de nouvelles particules, selon la célèbre formule E=MC², ni plus ni moins. C’est-à-dire qu’avec tant de quantité d’énergie (la vitesse des particules), on peut produire tant de quantité de masse (de nouvelles particules.) Et vice versa.
L’analogie reste juste à partir du moment où on comprend que l’énergie « fabrique » le moteur des deux motos pendant la collision. C’est difficile à conceptualiser mentalement, mais il faut s’y faire. Dès qu’on rentre dans le fonctionnement de l’infiniment petit, au-delà des particules subatomiques, l’intuition du cerveau humain n’est plus du tout adaptée, et fait généralement du hors-piste.

Un défi historique

 

L’enjeu est d’autant plus historique qu’il trouve ses origines dans les années 30, lorsque la physique quantique a connu ses premiers formalismes. Dernier grand mystère qui a dérouté même Albert Einstein en fin de vie, la mécanique quantique qui décrit le comportement des particules à l’échelle des atomes (le noyaux qui contient des protons et des neutrons, avec des électrons qui « tournent » à l’extérieur) représente encore de nos jours la plus grosse énigme des chercheurs en cosmologie.
Elle rentre en contradiction avec la physique dite « classique », celle qui nous entoure, celle que l’on connaît ordinairement dans notre quotidien (la gravité, la vitesse, l’inertie, le déterminisme des objets, etc.)
Si l’on devait comparer l’orbite des électrons autour des noyaux à celle des planètes autour des étoiles, on pourrait dire de l’électron qu’il n’existe à un moment donné que lorsqu’il est mesurée. En attendant, par rapport à « nous », il est dans une superposition des états : c’est à la fois une onde et une particule, qui se trouve ici et là bas en même « temps », qui n’est pas encore parti, et qui est déjà arrivé. Tout existe sous une forme de potentialité qui n’est pas du tout « virtuelle ».

Bien que  schématisée, et un peu fausse, cette représentation permet de se faire une idée de la structure d’un atome
 
Einstein disait que « c’est comme affirmer que la lune n’existe pas (dans un emplacement précis) tant qu’on ne la regarde pas ». Le temps et l’espace, tels que nous l’appréhendons instinctivement dans notre vie de tous les jours, perdent de leur sens commun… Mais la déroute est naturelle car, encore une fois, le cerveau humain est fabriqué pour fonctionner dans un monde dominé par les lois de physique classique.

ATLAS et CMS en « open source » : stimuler la recherche et favoriser la pédagogie

 

ATLAS et CMS, qui sont les deux détecteurs gigantesques du LHC présents pour récolter les informations lors des chocs de particules, partagent leurs données en open source. Les propriétés mesurées sont ainsi accessibles aux chercheurs, aux étudiants, ou aux citoyens amateurs, par l’intermédiaire d’un portail qui contient toutes les publications à analyser.
L’ergonomie est souple, car il existe des applications en ligne faciles d’utilisations, et des logiciels libres capables de déchiffrer et analyser les nouvelles données d’un détecteur de manière plus complexe.
Le portail propose en outre des outils de visualisation à des fins pédagogiques, pour aider à la formation des master classes internationales en physique des particules des élèves du secondaire  (plus de 10 000 chaque année.)

Des universitaires analysent les données d’une collision à travers le portail en open source du CERN

Comme on peut le voir sur le site officiel OpenData.cern.ch, la page se divise en deux sections : « éducation » d’abord (visualiser les événements, vérifier les données reconstruites, lancer ou fabriquer ses propres outils) et « recherche » ensuite (accéder aux informations à la source, aux bases de données récoltées par les détecteurs pour partir dans la recherche proprement dite.)
Selon le directeur général du CERN, « combiner les résultats de grandes expériences présente un grand intérêt pour obtenir la précision nécessaire à la prochaine avancée qui sera faite dans notre discipline. Pour le Boson de Higgs par exemple, il aurait fallu au moins deux années supplémentaires pour parvenir au même résultat avec une seule expérience. »
En clair, voici une démonstration supplémentaire que les avancées de la physique d’une part (la construction du LHC) et le partage ouvert de l’information d’autre part, avec des logiciels et outils libres, augmentent la précision des travaux d’analyses, et accélèrent le bon fonctionnement de la recherche.
Ces deux notions nous font gagner du temps dans la grande, la fascinante et passionnante compréhension des lois, des principes, qui régissent avec une précision d’horloger, l’ensemble de notre univers.

Non, vous ne rêvez pas, il s’agit bien d’une photo de l’univers peu après le « Big Bang » réalisée par le satellite « PLANCK », grâce à la capture des plus anciennes lumières de l’univers (invisible à l’œil nu). On constate ici ce que le « Big Bang » avait prédit: plus on remonte en arrière, plus l’univers est chaud et dense, comme une « soupe ». Et plus on se rapproche d’aujourd’hui, plus il est froid et dispersé, par le phénomène de l’expansion.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire