Le procès
- Orson Welles - 1962 - 1h59min -
"Le procès" est une sorte de conte tragique, un "Alice au pays des merveilles" qui se finirait mal ou un "Pinocchio"
dramatique. Le rendu en noir et blanc, très graphique, avec ses plans
judicieux (souvent en plongée et contre-plongée), nous expose un
tribunal labyrinthique expressionniste, où Joseph K. (joué par un Anthony Perkins
remarquable), est aussi bien perdu dans ses multiples "compartiments",
ses couloirs, parfois montrés comme des corridors secrets, avec ses
monticules de papiers, que mentalement, bien qu'il ne soit pas toujours
totalement dépassé par les évènements. Les scènes, souvent absurdes,
allégoriques, pareilles à un rêve, bien que jamais hallucinatoires, se
terminent régulièrement par l'interprétation du personnage principal,
qui apporte chaque fois une petite conclusion à ce qu'il vient de se
produire, comme pour mieux guider le spectateur. Le film esquisse des
perspectives qui n'aboutissent pas (des romances, des unions, des
assistances, des collaborations), construit des intrigues qui ne seront
pas dénouées. Prises en tant que telles, elles peuvent cependant avoir
un certain éclat, une profondeur, un retentissement, une polysémie au
pouvoir d’évocation puissant, même si l'ensemble est plus psychologique
que cérébral en première lecture. C'est une œuvre propice à l'analyse
sémiotique/sémiologique. Le jeu de la plupart des acteurs/actrices est
souvent très juste, adapté, net et franc, dans un état de flottement
permanent, avec des comportements qui semblent irréels. Ce sont des
performances qui ne rentrent dans aucune ligne directrice majeure, ce
qui fait l'identité, la principale caractéristique de l'ensemble et la
particularité du récit. L'atteinte à l'intégrité du héros ne sera pas que
psychique, et le motif d'accusation de ce dernier jamais connu. C'est
sa liberté de conscience, son indépendance d'esprit, son besoin
d'affranchissement, les questions qu'il se posent qui seront
problématiques, car opposés aux rouages de l’État. Mais il ne sombrera
jamais réellement dans la psychose, la démence ou la folie, malgré
quelques états de crise. Dans les grandes lignes, le message terminal,
sa grille d'analyse, son langage, est une critique du système
judiciaire, décrit comme une machine à fabriquer de l'accusation. En
suivant une logique déterministe, si le libre arbitre n'existe pas, si
l'individu n'est que le produit d'un processus physico-chimique, d'un
contexte, d'un environnement, d'une éducation, d'un héritage familial,
d'un formatage culturel, d'une expérience de vie, parfois d'une
aliénation, d'un lavage de cerveau, nous sommes tous innocents. Dieu ne
juge pas. Il n'y aura pas de purgatoire. On ira tous au paradis.
Champ lexical du film :
- Arcane, persistance, papier, accusation, rouages, mécanique, tentacules, invisibilité, innocence, machination.
- Le début de romance d'Anthony Perkins devant un monceau de papiers, le tout dans une atmosphère de murmures et de secrets.
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