Cloocky world

Un jour sans fin

- Harold Ramis - 1993 - 1h41min -

 

Einstein s'était peut-être douté, un jour, que ses théories de la relativité restreinte et générale seraient follement détournées pour produire des œuvres artistiques et culturelles.

En partant d'un principe fantastique temporel, Harold Ramis réalise un exploit malin, qui soulève des problématiques existentielles sur le quotidien, l'introspection, l'évolution de sa personnalité, son tempérament, la difficulté de devenir une version améliorée de soi-même ou le fait de s'adapter aux événements dans un univers enchanteur aux multiples personnages singuliers.

Le concept d'un jour a priori éternel permet au réalisateur de faire dévoiler plusieurs facettes foisonnantes du personnage de Bill Murray, qui doit vivre avec une dimension du temps capable de le faire basculer dans la folie. Cette matrice est mécanisée de façon originale : les protagonistes se transforment, se modifient selon les agissements du personnage central, avant de revenir à l'état initial.

De ce cercle perpétuel, le film pose déjà facilement, à tout un chacun, la question du train-train dans l'absolu, en interpellant sur les automatismes, les habitudes sociales, professionnelles, le manque d'évolution personnelle et les prises de risque.

Le postulat spirituel du film repose sur une idée carrée : si être cynique est confortable, ce n'est qu'une protection sociale artificiellement rassurante, qui ne donne pas accès à la jubilation de la vie. Il existe une différence philosophique entre le plaisir d'une part (sensation immédiate, mais éphémère) et le bonheur d'autre part (état à long terme, contribuant à la bienveillance, au savoir-être.)

Un jour sans fin, son positionnement métaphysique, se base – et mieux – remplace la médecine liée à la psychopathologie. Ici, elle est surnaturelle. Le nœud temporel est une thérapie en tant que telle. Rien n'explique cette distorsion du temps. Le Karma ? Dieu ? Son but est en tout cas de faire émerger le bon fond du personnage de Phil Connor – peut-être car il en vaut le coup. Sa journée ne le rend pas prisonnier : c'est une bénédiction.

Ce dernier deviendra l'horloge vivante de son microcosme. Il pourra anticiper tout ou presque de sa boucle routinière, lui laissant également du temps pour se remettre en cause, ce qui provoquera une performance d'acteur où l'objectif est de jouer et interpréter une variété graduelle d'états d'esprit différents. Si vous avez connu la série Demain à la une, l'approche est similaire en ce sens où, à travers une astuce fantaisiste, on peut connaitre à l'avance les désagréments et tragédies possibles qui se confrontent dans une journée (Un jour sans fin) et chaque journée (Demain à la une.)

En tant que personnage de cinéma, Bill Murray tient un pouvoir : devenir un super héros. Connaissant les aléas futurs de son environnement, il a le potentiel, si la volonté est là, d'aider son prochain.

Par ailleurs, sur la base d'un besoin romantique unique (sortir avec Andy Macdowell) le film utilise, d'une manière plus que logique et évidente, le comique de répétition. Bill Muray apprendra tout d'elle afin d'arriver à ses fins. Ses réajustements journaliers seront alors hilarants de mauvaise foi.

À cet égard, le radio-réveil représente un personnage à lui tout seul, avec sa musique initialement féerique puis de plus en plus accablante, comme pour évoquer une malédiction.

Durant son aventure intérieure, le héros sera suicidaire, malgré une réalisation douce et cynique, afin de ne pas provoquer un pessimisme trop marqué pour le genre. En tant que bienfaiteur, il se rendra compte qu'il ne peut pas sauver tout le monde, notamment une personne âgée dans une scène authentiquement touchante.

Puis viendra ce Bill Murray émancipé et lucide, choisissant ses priorités pour devenir un être utile et accompli. Le tout possèdera finalement le charme d'un classique hollywoodien, dans le style de Frank Capra en termes de films des périodes d'hivers, avec son jazz US et ses scènes qui recherchent l'idéal (le héros jouant du piano ou sculptant de la glace.)

Égocentrisme, mégalomanie, aptitude, légèreté, accablement, féerie, boucle, répétition, monotonie, interrogation, destin, habitude, refondation, renouvellement, fermeture, ouverture, le champ lexical du film est inspiré des grands principes simples du développement personnel, à travers un habillage volontairement modeste, mais n'oubliant pas certaines habilités pleines d'astuces et de malices. Une œuvre au concept déjà brillant sur le papier, et qui emporte le spectateur dans un réjouissant tourbillon de vie.

Non, votre DVD/Blu-ray n'est pas rayé, il s'agit juste de la magie d'Un jour sans fin qui s'opère.


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